Si je décide aujourd'hui de vous partager mes pensées, ce n'est pas parce que je pense détenir une vérité. Ni savoir mieux que d’autres. Que sais-je encore…
Non, mon envie est de vous ouvrir, en quelques lignes, là où j'en suis. Je suis thérapeute oui. Cela signifie que j'entends plus que la moyenne, parler intimement de la souffrance. Sous diverses formes. Mais Quel que soit le sujet, la souffrance est toujours violente et génère beaucoup de colère. Ce qui revient souvent derrière la souffrance, c’est l'injustice. Pourquoi moi ? Pourquoi mon enfant ? Etc…
Ce sont des questions légitimes et qui ont le rôle de détonateur. Détonateur pour exploser nos certitudes et laisser place à de nouvelles. Ainsi est fait l'être humain, je crois. Je voudrais ici vous partager une de mes certitudes du moment : La mort n'est ni une punition, ni une injustice. Tous savons, plus ou moins, que vivre signifient un jour mourir. Les anciens philosophes grecs, les penseurs, les auteurs, depuis la nuit des temps au moins, se sont penchés sur ce constat. Chacun à la lumière de son expérience, de ses croyances, avec soulagement ou fatalisme.
Mais cela n'aide pas quand, au fond de la tourmente du deuil, le chagrin laisse place à la colère. Et pourtant. Oui, chaque deuil est unique. Mais le choix de vivre, d’y survivre, est commun.
On se surprend même à hiérarchiser les deuils: la perte d'un enfant est plus difficile que l'époux, le deuil après une maladie est plus simple que celui d un accident...mais je vous le dis, cela n'est pas fondé. Perdre un être aimé est douloureux.
Je lisais ce matin le témoignage d'un grand-père qui n'arrivait plus à vivre après le décès de son petit fils. Il partageait qu' à son âge, il n' avait plus suffisamment de raison ni pour s'occuper, ni pour s’accrocher. Que le désherbage quotidien du jardin n'était plus assez. Plus assez pour pouvoir pleurer avec son épouse, ses enfants dont le petit est mort, les autres petits qui restent.
Le choix de vivre et d'aimer est, me semble t il, directement posé. Pourquoi continuer a vivre?
La colère du chagrin nous fait alors visiter l’injuste, un ordre non naturel des choses. On se surprend même à accuser les médecins qui ne soignent pas, le gouvernement qui ne nous protège pas du terrorisme, qui ne finance pas assez la recherche, qui laisse grandir en son sein des détraqués...la liste serait longue et légitime.
Je voulais vous proposer aujourd'hui d’imaginer que le seul pouvoir que nous avons, est de choisir de continuer à aimer ou pas. Parce que c'est de ça qu’ il s agit.
Oui.
Parce que sinon, cela pourrait se résumer à “J'aime et je vis ma vie en étant bon pour moi et les autres si la vie est douce pour moi et mes proches. Sinon je renonce, je me fâche, je cherche des responsables et je m’enferme.”
Mais le choix d'aimer, sans conditions, pourrait peut-être se servir de notre chagrin pour aimer plus et plus grand encore?
Prendre le temps de soigner son chagrin oui, et cela ne veut pas dire oublier la peine de l'être défunt. Mais décider peut-être de vivre avec et de le partager, de notre mieux.
Vicktor.E Frankl dans son livre redonner du sens à sa vie, reprenait, à la sortie du camps de concentration, l'aphorisme de Nietsche : “Dans la vie, peu importe le comment quand tu as un pour quoi”.
Je vous souhaite de continuer à choisir d'aimer, et je me le souhaite aussi!